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L’OR. — LE FISC. — LES TEMPLIERS

sa terre pour exercer son droit de gîte et de pourvoierie, Clément se mit à voyager à travers l’Église de France. De Lyon, il s’achemina vers Bordeaux, mais par Mâcon, Bourges et Limoges, afin de ravager plus de pays. Il allait, prenant et dévorant, d’évêché en évêché, avec une armée de familiers et de serviteurs. Partout où s’abattait cette nuée de sauterelles, la place restait nette. Ancien archevêque de Bordeaux, le rancuneux pontife ôta à Bourges sa primatie sur la capitale de la Guyenne. Il s’établit chez son ennemi, l’archevêque de Bourges, comme un garnisaire ou mangeur d’office[1], et il s’y hébergea de telle sorte qu’il le laissa ruiné de fond en comble ; ce primat des Aquitaines serait mort de faim, s’il n’était venu à la cathédrale, parmi ses chanoines, recevoir aux distributions ecclésiastiques la portion congrue[2].

Dans les vols de Clément, le meilleur était pour une femme qui rançonnait le pape, comme lui l’Église. C’était la véritable Jérusalem où allait l’argent de la croisade. La belle Brunissende Talleyrand de Périgord lui coûtait, disait-on, plus que la terre sainte.

Clément allait être bientôt cruellement troublé dans cette douce jouissance des biens de l’Église. Les décimes en perspective ne répondaient pas aux besoins actuels du fisc royal. Le pape gagna du temps en lui donnant les juifs, en autorisant le roi à les saisir. L’opération se fit en un même jour avec un secret et une promptitude qui font honneur aux gens du roi.

  1. Ces mots sont synonymes dans la langue de ce temps.
  2. Contin. G. de Nangis.