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L’OR. — LE FISC. — LES TEMPLIERS

Chacun désirait naturellement participer à de tels privilèges. Innocent III lui-même voulut être affilié à l’ordre ; Philippe-le-Bel le demanda en vain.

Mais quand cet ordre n’eût pas eu ces grands et magnifiques privilèges, on s’y serait présenté en foule. Le Temple avait pour les imaginations un attrait de mystère et de vague terreur. Les réceptions avaient lieu dans les églises de l’ordre, la nuit et portes fermées. Les membres inférieurs en étaient exclus. On disait que si le roi de France lui-même y eût pénétré, il n’en serait pas sorti.

La forme de réception était empruntée aux rites dramatiques et bizarres, aux mystères dont l’Église antique ne craignait pas d’entourer les choses saintes. Le récipiendaire était présenté d’abord comme un pécheur, un mauvais chrétien, un renégat. Il reniait, à l’exemple de saint Pierre ; le reniement, dans cette pantomime, s’exprimait par un acte[1], cracher sur la croix. L’ordre se chargeait de réhabiliter ce renégat, de l’élever d’autant plus haut que sa chute était plus profonde. Ainsi dans la Fête des fols ou idiots (fatuorum), l’homme offrait l’hommage même de son imbécillité, de son infamie, à l’Église qui devait le régénérer. Ces comédies sacrées, chaque jour moins comprises, étaient de plus en plus dangereuses, plus capables de scandaliser un âge prosaïque, qui ne voyait que la lettre et perdait le sens du symbole.

Elles avaient ici un autre danger. L’orgueil du Temple

  1. App. 47.