Page:Michelet - OC, Histoire de France, t. 3.djvu/114

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
104
HISTOIRE DE FRANCE

pouvait laisser dans ces formes une équivoque impie. Le récipiendaire pouvait croire qu’au delà du christianisme vulgaire, l’ordre allait lui révéler une religion plus haute, lui ouvrir un sanctuaire derrière le sanctuaire. Ce nom du Temple n’était pas sacré pour les seuls chrétiens. S’il exprimait pour eux le Saint-Sépulcre, il rappelait aux juifs, aux musulmans, le temple de Salomon[1]. L’idée du Temple, plus haute et plus générale que celle même de l’Église, planait en quelque sorte par-dessus toute religion. L’Église datait, et le Temple ne datait pas. Contemporain de tous les âges, c’était comme un symbole de la perpétuité religieuse. Même après la ruine des Templiers, le Temple subsiste, au moins comme tradition, dans les enseignements d’une foule de sociétés secrètes, jusqu’aux Rose-Croix, jusqu’aux Francs-Maçons[2].

L’Église est la maison du Christ, le Temple celle du Saint-Esprit. Les gnostiques prenaient pour leur grande fête, non pas Noël ou Pâques, mais la Pentecôte, le jour où l’Esprit descendit. Jusqu’à quel point ces vieilles sectes subsistèrent-elles au moyen âge ? Les Templiers y furent-ils affiliés ? De telles questions, malgré les ingénieuses conjectures des modernes, resteront toujours obscures dans l’insuffisance des monuments[3].

Ces doctrines intérieures du Temple semblent tout à la fois vouloir se montrer et se cacher. On croit les reconnaître, soit dans les emblèmes étranges sculptés

  1. App. 48.
  2. App. 49.
  3. App. 50.