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VÊPRES SICILIENNES

nommât un pape après Clément IV. Clément, pour vingt mille pièces d’or que le Français lui promettait de revenus, se trouvait avoir livré, non seulement les Deux-Siciles, mais l’Italie entière. Charles s’était fait nommer par lui sénateur de Rome et vicaire impérial en Toscane. Plaisance, Crémone, Parme, Modène, Ferrare et Reggio, plus tard même Milan, l’avaient accepté pour seigneur, ainsi que plusieurs villes du Piémont et de la Romagne. Toute la Toscane l’avait choisi pour pacificateur. « Tuez-les tous », disait ce pacificateur aux Guelfes de Florence qui lui demandaient ce qu’il fallait faire des Gibelins prisonniers[1].

Mais l’Italie était trop petite. Il ne s’y trouvait pas à l’aise. De Syracuse il regardait l’Afrique, d’Otrante l’empire grec. Déjà il avait donné sa fille au prétendant latin de Constantinople, au jeune Philippe, empereur sans empire.

Les papes avaient lieu de se repentir de leur triste victoire sur la maison de Souabe. Leur vengeur, leur cher fils, était établi chez eux et sur eux. Il s’agissait désormais de savoir comment ils pourraient échapper à cette terrible amitié. Ils sentaient avec effroi l’irrésistible force, l’attraction maligne que la France exerçait sur eux. Ils voulaient, un peu tard, s’attacher l’Italie. Grégoire X essayait d’assoupir les factions que ses prédécesseurs avaient nourries si soigneusement ; il demandait qu’on supprimât les noms de Guelfes et de Gibelins. Les papes avaient toujours combattu les

  1. On n’épargna qu’un enfant qu’on envoya au roi de Naples, et qui mourut en prison dans la tour de Capoue.