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HISTOIRE DE FRANCE

gion où il se fît plus d’aumônes qu’en la religion du Temple ; qu’on y faisait trois fois la semaine l’aumône à tout venant. Enfin, qu’il n’y avait, à sa connaissance, nulle sorte de gens qui eussent tant versé de sang pour la foi chrétienne, et qui fussent plus redoutés des infidèles ; qu’à Mansourah, le comte d’Artois les avait mis à l’avant-garde, et que s’il les avait crus…

Alors une voix s’éleva : « Sans la foi, tout cela ne sert de rien au salut. »

Nogaret, qui se trouvait là, prit aussi la parole : « J’ai ouï dire qu’en les chroniques qui sont à Saint-Denis, il était écrit qu’au temps du sultan de Babylone, le maître d’alors et les autres grands de l’ordre avaient fait hommage à Saladin, et que le même Saladin, apprenant un grand échec de ceux du Temple, avait dit publiquement que cela leur était advenu en châtiment d’un vice infâme, et de leur prévarication contre leur loi. »

Le grand maître répondit qu’il n’avait jamais ouï dire pareille chose ; qu’il savait seulement que le grand maître d’alors avait maintenu les trêves, parce qu’autrement il n’aurait pu garder tel ou tel château. Jacques Molay finit par prier humblement les commissaires et le chancelier Nogaret qu’on lui permît d’entendre la messe et d’avoir sa chapelle et ses chapelains. Ils le lui promirent en louant sa dévotion.

Ainsi commençaient en même temps les deux procès du Temple et de Boniface VIII. Ils présentaient l’étrange spectacle d’une guerre indirecte du roi et du pape. Celui-ci, forcé par le roi de poursuivre Boniface,