Page:Michelet - OC, Histoire de France, t. 3.djvu/141

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
131
DESTRUCTION DE L’ORDRE DU TEMPLE

était vengé par les dépositions des Templiers contre la barbarie avec laquelle les gens du roi avaient dirigé les premières procédures. Le roi déshonorait la papauté, le pape déshonorait la royauté. Mais le roi avait la force ; il empêchait les évêques d’envoyer aux commissaires du pape les Templiers prisonniers, et en même temps il poussait sur Avignon des nuées de témoins qu’on lui ramassait en Italie. Le pape, en quelque sorte assiégé par eux, était condamné à entendre les plus effrayantes dépositions contre l’honneur du pontificat.

Plusieurs des témoins s’avouaient infâmes et détaillaient tout au long dans quelles saletés ils avaient trempé en commun avec Boniface[1]. L’une de leurs dépositions les moins dégoûtantes, de celles qu’on peut traduire, c’est que Boniface avait fait tuer son prédécesseur ; il aurait dit à l’un de ces misérables : « Ne reparais pas devant moi avant d’avoir tué Célestin. » Le même Boniface aurait fait un sabbat, un sacrifice au diable. Ce qui est plus vraisemblable dans ce vieux légiste italien, dans ce compatriote de l’Arétin et de Machiavel, c’est qu’il était incrédule, impie et cynique en ses paroles… Des gens ayant peur dans un orage, et disant que c’était la fin du monde, il aurait dit : « Le monde a toujours été et sera toujours. — Seigneur on assure qu’il y aura une résurrection ? — Avez-vous jamais vu ressusciter personne ? »

Un homme, lui apportant des figues de Sicile, lui

  1. Dupuy.