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HISTOIRE DE FRANCE

Ce qui aggravait encore le danger, c’est que dans les autres contrées de l’Europe[1] les décisions des conciles étaient favorables aux Templiers. Ils furent déclarés innocents, le 17 juin 1310 à Ravenne, le 1er juillet à Mayence, le 21 octobre à Salamanque. Dès le commencement de l’année, on pouvait prévoir ces jugements et la dangereuse réaction qui s’ensuivrait à Paris. Il fallait la prévenir, se réfugier dans l’audace. Il fallait à tout prix prendre en main le procès, le brusquer, l’étouffer.

Au mois de février 1310, le roi s’était arrangé avec le pape. Il avait déclaré s’en remettre à lui pour le jugement de Boniface VIII. En avril, il exigea en retour que Clément nommât à l’archevêché de Sens le jeune Marigni, frère du fameux Enguerrand, vrai roi de France sous Philippe-le-Bel. Le 10 mai, l’archevêque de Sens assemble à Paris un concile provincial, et y fait paraître les Templiers. Voilà deux tribunaux qui jugent en même temps les mêmes accusés, en vertu de deux bulles du pape. La commission alléguait la bulle qui lui attribuait le jugement[2]. Le concile s’en rapportait à la bulle précédente, qui avait rendu aux juges ordinaires leurs pouvoirs, d’abord suspendus. Il ne reste point d’acte de ce concile, rien que le nom de ceux qui siégèrent et le nombre de ceux qu’ils firent brûler.

  1. Le roi d’Angleterre s’était d’abord déclaré assez hautement pour l’ordre ; soit par sentiment de justice, soit par opposition à Philippe-le-Bel, il avait écrit, le 4 décembre 1307, aux rois de Portugal, de Castille, d’Aragon et de Sicile, en faveur des Templiers, les conjurant de ne point ajouter foi à tout ce que l’on débitait contre eux en France. (Dupuy.)
  2. App. 79.