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VÊPRES SICILIENNES

monnaie[1], ou de fausses lois, pour altérer d’un mélange romain le droit gothique[2]. Il n’aimait pas l’Espagne ; sa manie était de se faire empereur. Et l’Espagne le lui rendait bien. Les Castillans se donnèrent eux-mêmes pour roi, conformément au droit des Goths, le second fils d’Alphonse, Sanche-le-Brave, le Cid de ce temps-là[3]. Déshérité par son père, menacé à la fois par les Français et par les Maures, de plus excommunié par le pape pour avoir épousé sa parente, Sanche fit tête à tout, et garda sa femme et son royaume. Le roi de France fit de grandes menaces, rassembla une grande armée, prit l’oriflamme, entra en Espagne jusqu’à Salvatierra. Là, il s’aperçut qu’il n’avait ni vivres ni munitions, et ne put avancer.

C’était une glorieuse époque pour l’Espagne. Le roi d’Aragon, D. Jayme, fils du roi troubadour qui périt à Muret en défendant le comte de Toulouse, venait de conquérir sur les Maures les royaumes de Majorque et de Valence. D. Jayme avait, telle est l’emphase espagnole, gagné trente-trois batailles, fondé ou repris deux mille églises. Mais il avait, dit-on, encore plus de maîtresses que d’églises. Il refusait au pape le tribut promis par ses prédécesseurs. Il avait osé faire épouser à son fils D. Pedro la propre fille de Manfred, le dernier rejeton de la maison de Souabe.

  1. Ferreras.
  2. App. 1.
  3. C’est ce Sanche qui répondait aux menaces de Miramolin : « Je tiens le gâteau d’une main et le bâton de l’autre ; tu peux choisir. » (Ferreras.) — Il se sentit assez populaire pour ôter toute exemption d’impôt aux nobles et aux ordres militaires.