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SUITE DU RÈGNE DE PHILIPPE-LE-BEL

trace de dépense privée. Il comptait avec son trésorier tous les vingt-cinq jours.

Fils d’une Espagnole, élevé par le dominicain Egidio de Rome, de la maison de Colonna, il eut quelque chose du sombre esprit de saint Dominique, comme saint Louis la douceur mystique de l’ordre de Saint-François. Egidio avait écrit pour son élève un livre De regimine principum, et il n’eut pas de peine à lui inculquer le dogme du droit illimité des rois[1].

Philippe s’était fait traduire la Consolation de Boèce, les livres de Vegèce sur l’art militaire, et les lettres d’Abailard et d’Héloïse[2]. Les infortunes universitaires et amoureuses du célèbre professeur, si maltraité des prêtres, étaient un texte populaire au milieu de cette grande guerre du roi contre le clergé. Philippe-le-Bel s’appuyait sur l’Université de Paris[3] ; il caressait cette turbulente république, et elle le soutenait. Tandis que

  1. App. 109.
  2. C’est l’auteur du Roman de la Rose, Jean de Meung, qui lui avait traduit ces livres. — La confiance que lui accordait le roi ne l’avait pas empêché de tracer dans le Roman de la Rose ce rude tableau de la royauté primitive :

    Ung grant villain entre eulx esleurent,
    Le plus corsu de quanqu’ils furent,
    Le plus ossu, te le greigneur,
    Et le firent prince et seigneur.
    Cil jura que droit leur tiendroit,
    Se chacun en droit soy luy livre
    Des biens dont il se puisse vivre…
    De là vint le commencement
    Aux roys et princes terriens
    Selon les livres anciens.

    Rom. de la Rose, v. 1064. App. 110.
  3. « En celle année s’esmeut gran’dissension en les Recteur, maistres et escholiers de l’Université de Paris, et le prévost dudit lieu, parce que ledit prévost avoit fait pendre un clerc de ladite Université. Adonc cessa la lecture