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SUITE DU RÈGNE DE PHILIPPE-LE-BEL

fondations. L’archevêque Gilles d’Aiscelin, le faible et servile juge des Templiers, fonda ce terrible collège, la plus pauvre et la plus démocratique des écoles universitaires, ce Mont-Aigu, où l’esprit et les dents, selon le proverbe, étaient également aigus[1]. Là, s’élevaient, sous l’inspiration de la famine, les pauvres écoliers, les pauvres maîtres[2], qui rendirent illustres le nom de Cappets[3] ; chétive nourriture, mais amples privilèges ; ils ne dépendaient, pour la confession, ni de l’évêque de Paris ni même du pape.


Que Philippe-le-Bel ait été ou non un méchant homme ou un mauvais roi, on ne peut méconnaître en son règne la grande ère de l’ordre civil en France, la fondation de la monarchie moderne. Saint Louis est encore un roi féodal. On peut mesurer d’un seul mot tout le chemin qui se fit de l’un à l’autre. Saint Louis assembla les députés des villes du Midi, Philippe-le-Bel ceux des États de France. Le premier fit des établissements pour ses domaines, le second des ordonnances pour le royaume. L’un posa en principe la suprématie de la justice royale sur celle des seigneurs, l’appel au roi ; il essaya de modérer les guerres privées par la quarantaine et l’assurement. Sous Philippe-le-Bel, l’appel au roi se trouve si bien établi que le plus indépendant des grands feudataires, le duc de Bretagne, demande, comme grâce singulière, d’en être exempté[4]. Le parlement de Paris écrit pour le

  1. Mons acutus, dentes acuti, ingenium acutum.
  2. App. 112.
  3. App. 113.
  4. Ord., I, 329.