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HISTOIRE DE FRANCE

L’hypocrisie de ce gouvernement n’est en rien plus remarquable que dans les affaires des monnaies. Il est curieux de suivre d’année en année les mensonges, les tergiversations du royal faux monnayeur[1]. En 1295, il avertit le peuple qu’il va faire une monnaie « où il manquera peut-être quelque chose pour le titre ou le poids, mais qu’il dédommagera ceux qui en prendront ; sa chère épouse, la reine Jeanne de Navarre, veut bien qu’on y affecte les revenus de la Normandie. » En 1305, il fait crier par les rues à son de trompe que sa nouvelle monnaie est aussi bonne que celle de saint Louis. Il avait ordonné plusieurs fois aux monnayeurs de tenir secrètes les falsifications. Plus tard, il fait entendre que ses monnaies ont été altérées par d’autres, et ordonne de détruire les fours où l’on avait fait de la fausse monnaie. En 1310 et 1311, craignant la comparaison des monnaies étrangères, il en défend l’importation. En 1311, il défend de peser ou d’essayer les monnaies royales.

Nul doute qu’en tout ceci le roi ne fût convaincu de son droit, qu’il ne considérât comme un attribut de sa toute-puissance d’augmenter à volonté la valeur des monnaies. Le comique, c’est de voir cette toute-puissance, cette divinité, obligée de ruser avec la méfiance du peuple ; la religion naissante de la royauté a déjà ses incrédules.

Enfin la royauté elle-même semble douter de soi. Cette fière puissance, ayant été au bout de la violence

  1. App. 125.