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SUITE DU RÈGNE DE PHILIPPE-LE-BEL

d’être la pensée, la conscience de Philippe-le-Bel. C’était pour le jeune roi comme s’il eût jugé l’âme de son père. Aussi voulait-il seulement éloigner Marigni, le reléguer dans l’île de Chypre, et le rappeler plus tard. Pour le perdre, il fallut que Charles-de-Valois eût recours à la grande accusation du temps, dont personne ne se tirait. On découvrit, ou l’on supposa, que la femme ou la sœur de Marigni, pour provoquer sa délivrance, ou maléfîcier le roi, avait fait faire par un Jacques de Lor certaines petites figures : « Ledit Jacques, jeté en prison, se pend de désespoir, et ensuite sa femme et les sœurs d’Enguerrand sont mises en prison ; et Enguerrand lui-même, jugé en présence des chevaliers, est pendu à Paris au gibet des voleurs. Cependant il ne reconnut rien des susdits maléfices, et dit seulement que pour les exactions et les altérations de monnaie il n’en avait point été le seul auteur… C’est pourquoi sa mort, dont beaucoup ne conçurent point entièrement les causes, fut matière à grande admiration et stupeur. »

« Pierre de Latilly, évêque de Châlons, soupçonné de la mort du roi de France Philippe et de son prédécesseur, fut par ordre du roi retenu en prison au nom de l’archevêque de Reims. Raoul de Presles, avocat général (advocatus præcipuus) au parlement, également suspect et retenu pour semblable soupçon, fut enfermé dans la prison de Sainte-Geneviève à Paris, et torturé par divers supplices. Comme on ne pouvait arracher de sa bouche aucun aveu sur les crimes dont on le chargeait, quoiqu’il eût enduré les tourments plus