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HISTOIRE DE FRANCE

mais il acheta avec une terre le nom de Marigni. Ce Normand, personnage gracieux et cauteleux[1], mais apparemment non moins silencieux que son maître, n’a point laissé d’acte ; il semble qu’il n’ait écrit ni parlé. Il fit condamner les Templiers par son frère qu’il avait fait tout exprès archevêque de Sens. Il eut sans doute la part principale aux affaires du roi avec les papes ; mais il s’y prit si bien qu’il passa pour avoir laissé Clément V échapper de Poitiers[2]. Le pape lui en sut gré probablement ; et d’autre part, il put faire croire au roi que le pape lui serait plus utile à Avignon, dans une apparente indépendance, que dans une captivité qui eût révolté le monde chrétien.

Ce fut au Temple, au lieu même où Marigni avait installé son maître pour dépouiller les Templiers, que le jeune roi Louis vint entendre l’accusation solennelle portée contre Marigni[3]. L’accusateur était le frère de Philippe-le-Bel, ce violent Charles-de-Valois, homme remuant et médiocre qui se portait pour chef des barons. Né si près du trône de France, il avait couru toute la chrétienté pour en trouver un autre, tandis qu’un petit chevalier de Normandie régnait à côté de Philippe-le-Bel. Il ne faut pas s’étonner s’il était enragé d’envie.

Il n’eut pas été difficile à Marigni de se défendre, si l’on eût voulu l’entendre. Il n’avait rien fait, sinon

  1. « Gratiosus, cautus et sapiens. » (Cont. G. de Nangis.)
  2. Ses ennemis l’en accusèrent. — On disait encore qu’il avait, pour de l’argent, procuré une trêve au comte de Flandre.
  3. Les modernes ont ajouté beaucoup de circonstances sur la rupture de Charles-de-Valois et de Marigni, un démenti, un soufflet, etc.