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SUITE DU RÈGNE DE PHILIPPE-LE-BEL

Édouard croyait au moins vivre ; on n’avait pas encore tué de roi. Sa femme le flattait toujours. Elle lui écrivait des choses tendres, elle lui envoyait de beaux habits. Cependant un roi déposé est bien embarrassant. D’un moment à l’autre il pouvait être tiré de prison. Dans leur anxiété, Isabeau et Mortimer demandèrent avis à l’évêque d’Hereford. Ils n’en tirèrent qu’une parole équivoque : Edwardum occidere nolite timere bonum est. C’était répondre sans répondre. Selon que la virgule était placée ici ou là, on pouvait lire dans ce douteux oracle la mort ou la vie. Ils lurent la mort. La reine se mourait de peur tant que son mari était en vie. On envoya à la prison un nouveau gouverneur, John Maltravers ; nom sinistre, mais l’homme était pire.

Maltravers fit longuement goûter au prisonnier les affres de la mort ; il s’en joua pendant quelques jours, peut-être dans l’espoir qu’il se tuerait lui-même. On lui faisait la barbe à l’eau froide, on le couronnait de foin ; enfin, comme il s’obstinait à vivre, ils lui jetèrent sur le dos une lourde porte, pesèrent dessus, et l’empalèrent avec une broche toute rouge. Le fer était mis, dit-on, dans un tuyau de corne, de manière à tuer sans laisser trace. Le cadavre fut exposé aux regards du peuple, honorablement enterré, et une messe fondée. Il n’y avait nulle marque de blessure, mais les cris avaient été entendus ; la contraction de la face dénonçait l’horrible invention des assassins[1].

  1. App. 143.