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HISTOIRE DE FRANCE

petite troupe. Elle venait comme une femme malheureuse qui veut seulement éloigner de son mari les mauvais conseillers qui le perdent. C’était grande pitié de la voir si dolente et si éplorée. Tout le monde était pour elle. Elle eut bientôt entre ses mains Édouard et Spencer. On lui amena ce Spencer qu’elle haïssait tant ; elle en rassasia ses yeux. Puis, devant le palais, sous les croisées de la reine, on lui fit subir, avant la mort, d’obscènes mutilations.

Pour le moment, elle n’osait pas en faire plus. Elle avait peur, elle tâtait le peuple, elle ménageait son mari. Elle pleurait, et tout en pleurant elle agissait. Mais rien ne semblait se faire par elle, tout par justice et régulièrement. Édouard était resté en possession de la couronne royale ; cela arrêtait tout. Trois comtes, deux barons, deux évêques et le procureur du parlement, Guillaume Trussel, vinrent au château de Kenilworth, faire entendre au prisonnier que s’il ne se dépêchait de livrer la couronne, il n’y gagnerait rien, qu’il risquerait plutôt de faire perdre le trône à son fils, que le peuple pourrait fort bien choisir un roi hors de la famille royale. Édouard pleura, s’évanouit et finit par livrer la couronne. Alors le procureur dressa et prononça la formule, qu’on a gardée comme bon précédent : « Moi Guillaume Trussel, procureur du parlement, au nom de tous les hommes d’Angleterre, je te reprends l’hommage que je t’avais fait, à toi, Édouard. De ce temps en avant, je te défie, je te prive de tout pouvoir royal. Désormais, je ne t’obéis plus comme à un roi. »