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HISTOIRE DE FRANCE

au contraire, ne peut prendre part au mouvement nouveau du commerce. Un mot sur cette grande révolution. Elle explique seule les événements qui vont suivre. Le secret des batailles de Créci, de Poitiers, est au comptoir des marchands de Londres, de Bordeaux et de Bruges.


En 1291, la terre sainte est perdue, l’âge des croisades fini. En 1298, le Vénitien Marco Polo, le Christophe Colomb de l’Asie, dicte la relation d’un voyage, d’un séjour de vingt ans à la Chine et au Japon[1]. Pour la première fois, on apprend qu’à douze mois de marche au delà de Jérusalem, il y a des royaumes, des nations policées. Jérusalem n’est plus le centre du monde, ni celui de la pensée humaine. L’Europe perd la terre sainte ; mais elle voit la terre[2].

En 1321, paraît le premier ouvrage d’économie politique et commerciale : Secreta fidelium crucis[3], par le Vénitien Sanuto. — Vieux titre, pensée nouvelle. L’auteur propose contre l’Égypte, non pas une croisade, mais plutôt un blocus commercial et maritime. Ce livre est bizarre dans la forme. Le passage des idées religieuses à celles du commerce s’accomplit gauchement. Le Vénitien, qui peut-être ne veut que

  1. Comme Christophe Colomb, il eut ses contradicteurs. Mais le retour de Colomb mit fin à tous les doutes : ils commencèrent au retour de Polo. Son traducteur latin en appelle au témoignage du père et de l’oncle de Polo, compagnons de son voyage.
  2. Marco Polo, captif à Gênes, dictait aux compatriotes de Christophe Colomb le livre qui inspira à ce dernier sa grande entreprise.
  3. Livre des secrets des fidèles de la Croix. App. 144.