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L’ANGLETERRE. — PHILIPPE-DE-VALOIS

rendre à Venise ce qu’elle a perdu par le retour des Grecs à Constantinople, donne d’abord tous les textes sacrés qui recommandent au bon chrétien la conquête de Jérusalem ; puis le catalogue raisonné des épices dont la terre sainte est l’entrepôt : poivre, encens, gingembre ; il qualifie les denrées et les cote article par article. Il calcule avec une précision admirable les frais de transport[1], etc.

Une grande croisade commence en effet dans le monde, mais d’un genre tout nouveau. Celle-ci, moins poétique, n’est pas en quête de la sainte lance, du Graal, ni de l’empire de Trébizonde. Si nous arrêtons un vaisseau en mer, nous n’y trouverons plus un cadet de France qui cherche un royaume[2], mais bien plutôt quelque Génois ou Vénitien qui nous débitera volontiers du sucre et de la cannelle. Voilà le héros du monde moderne ; non moins héros que l’autre ; il risquera pour gagner un sequin autant que Richard Cœur-de-Lion pour Saint-Jean-d’Acre. Le croisé du commerce a sa croisade en tout sens, sa Jérusalem partout.

La nouvelle religion, celle de la richesse, la foi en l’or, a ses pèlerins, ses moines, ses martyrs. Ceux-ci osent et souffrent, comme les autres. Ils veillent, ils jeûnent, ils s’abstiennent. Ils passent leurs belles années sur les routes périlleuses, dans les comptoirs

  1. Il montre la supériorité de la route d’Égypte sur celle de Syrie. Puis il propose contre le soudan d’Égypte, non pas une croisade, mais un simple blocus. Le blocus ruinera le soudan et par suite le monde mahométan, dont l’Égypte est le cœur. App. 145.
  2. Dans la quatrième croisade.