Page:Michelet - OC, Histoire de France, t. 3.djvu/26

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
16
HISTOIRE DE FRANCE

d’avance[1]. Quiconque ne pouvait prononcer le c ou ch italien (ceci, ciceri), était tué à l’instant[2]. On éventra des femmes siciliennes pour chercher dans leur sein un enfant français.

Il fallut tout un mois pour que les autres villes, rassurées par l’impunité de Palerme, imitassent son exemple. L’oppression avait pesé inégalement. Inégale aussi fut la vengeance, et quelquefois il y eut dans le peuple une capricieuse magnanimité[3]. À  Palerme même, le vice-roi, surpris dans sa maison, avait été outragé, mais non tué ; on voulait le renvoyer à Aigues-Mortes. À Calatafimi, les habitants épargnèrent leur gouverneur, l’honnête Porcelet, et le laissèrent aller avec sa famille. Peut-être était-ce crainte des vengeances de Charles d’Anjou. Le peuple était déjà refroidi et découragé, telle est la mobilité méridionale. Les habitants de Palerme envoyèrent au pape deux religieux pour demander grâce. Ces députés n’osèrent dire autre chose que ces paroles des litanies : Agnus Dei, qui tollis peccata mundi, miserere nobis. Et ils répétèrent ces mots trois fois. Le pape répondit en prononçant, par trois fois aussi, ce verset de la Passion : Ave, rex Judæorum, et dabant ei alapam. Messine ne réussit pas mieux auprès de Charles d’Anjou. Il répondit à ses envoyés qu’ils étaient tous des traîtres à l’Église et à la couronne,

  1. App. 5.
  2. Simple tradition.
  3. Fazello assure que Sperlinga fut la seule ville qui ne massacra pas les Francs. De là le dicton sicilien : « Quod Siculis placuit, sola Sperlinga negavit. »