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VÊPRES SICILIENNES

moite et chaude, qu’elle disparaît sous l’herbe, l’herbe sous les fleurs. Pâques est un voluptueux moment dans ces contrées. Le carême finit, l’abstinence aussi ; la sensualité s’éveille ardente et âpre, aiguisée de dévotion. Dieu a eu sa part, les sens prennent la leur. Le changement est brusque ; toute fleur perce la terre, toute beauté brille. C’est une triomphante éruption de vie, une revanche de la sensualité, une insurrection de la nature.

Ce jour donc, ce lundi de Pâques, tous et toutes montaient, selon la coutume, de Palerme à Monréale, pour entendre vêpres, par la belle colline. Les étrangers étaient là pour gâter la fête. Un si grand rassemblement d’hommes ne laissait pas de les inquiéter. Le vice-roi avait défendu déporter les armes et de s’y exercer, comme c’était l’usage dans ces jours-là. Peut-être avait-il remarqué l’affluence des nobles ; en effet, Procida avait eu l’adresse de les réunir à Palerme ; mais il fallait l’occasion. Un Français la donna mieux que Procida n’eût souhaité. Cet homme, nommé Drouet, arrête une belle fille de la noblesse que son fiancé et toute sa famille menaient à l’église. Il fouille le fiancé et ne trouve pas d’armes ; puis il prétend que la fille en a sous ses habits, et il porte la main sous sa robe. Elle s’évanouit. Le Français est à l’instant désarmé, tué de son épée. Un cri s’élève : « À mort, à mort les Français ![1] » Partout on les égorge. Les maisons françaises étaient, dit-on, marquées

  1. « Moriantur Galli. » (Bartolomeo.)