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HISTOIRE DE FRANCE

d’Anjou, mais il ne se pressa pas d’aller se mettre en face de son terrible ennemi. En bon toreador, il piqua, mais éluda le taureau. Seulement il expédia au secours de la ville quelques-uns de ses brigands almogavares, lestes et sobres piétons qui firent en trois jours les six journées qu’il y a de Palerme à Messine[1]. La flotte catalane, sous le Calabrois Roger de Loria, était un secours plus efficace. Elle devait occuper le détroit, affamer Charles d’Anjou, lui fermer le retour. Le roi de Naples se défiait avec raison de ses forces de mer. Il repassa le détroit pendant la nuit, sans pouvoir enlever ni ses tentes ni ses provisions. Au matin, les Messinois émerveillés ne virent plus d’ennemis. Ils n’eurent plus qu’à piller le camp.

Si l’on en croit Muntaner, les Catalans n’avaient que vingt-deux galères contre les quatre-vingt-dix de Charles d’Anjou. Sur celles-ci, il y en avait dix de Pise qui s’enfuirent les premières, quinze de Gênes qui les suivirent. Les Provençaux, sujets de Charles, en avaient vingt, et ne tinrent pas davantage. Les quarante-cinq qui restèrent, étaient de Naples et de Calabre ; elles se crurent perdues, et se jetèrent à la côte. Mais les Catalans les poursuivirent, les prirent, y tuèrent six mille hommes. Les vainqueurs, écartés par la tempête, se trouvèrent à la pointe du jour devant le phare de Messine.

  1. « Ce que les autres ne pouvaient supporter était pour eux comme régal et passe-temps… Leur extérieur était étrange et sauvage, et comme ils étaient très noirs, maigres et mal peignés, les Siciliens étaient en grande admiration et souci, ne voyant venir qu’eux pour défenseurs… » (Curita.)