Page:Michelet - OC, Histoire de France, t. 3.djvu/300

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
290
HISTOIRE DE FRANCE

doit et combattoit. » À ses côtés, son plus jeune fils, qui mérita le surnom de Hardi, guidait son courage aveugle, lui criant à chaque nouvel assaut : Père gardez-vous à droite, gardez-vous à gauche. Mais le nombre des assaillants redoublait, tous accouraient à cette riche proie : « Tant y survinrent Anglois et Gascons de toutes parts, que par force ils ouvrirent et rompirent la presse de la bataille du roi de France, et furent les François si entortillés entre leurs ennemis qu’il y avoit bien cinq hommes d’armes sur un gentil homme. » C’était autour du roi qu’on se pressait, « pour la convoitise de le prendre ; et lui criioient ceux qui le connaissoient et qui le plus près de lui étoient : « Rendez-vous, rendez-vous, autrement vous êtes mort. » Là avoit un chevalier de la nation de Saint-Omer qu’on appeloit Denys de Morbecque. Si se avance en la presse, et à la force des bras et du corps, car il étoit grand et fort, et dit au roi, en bon françois, où le roi s’arrêta plus que aux autres : « Sire, sire, rendez-vous. » Le roi qui se vit en un dur parti… et aussi que la défense ne lui valoit rien, demanda en regardant le chevalier : « À qui me rendrai-je ? à qui ? Où est mon cousin le prince de Galles ? Si je le véois, je parlerois. » — « Sire, répondit messire Denys, il n’est pas ici, mais rendez-vous à moi, je vous mènerai devant lui. » — « Qui êtes-vous ? » dit le roi. — « Sire, je suis Denys de Morbecque, un chevalier d’Artois, mais je sers le roi d’Angleterre, pour ce que je ne puis au royaume de France demeurer, et que je y ai forfait tout le mien. » — Adoncques répondit le roi