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HISTOIRE DE FRANCE

dans la maison d’un pâtissier, et y fut frappé à mort ; il n’eut pas le temps de pousser un cri. Cependant le prévôt, suivi d’une foule de bonnets rouges et bleus, entra dans l’hôtel du dauphin, monta jusqu’à sa chambre, et lui dit aigrement qu’il devait mettre ordre aux affaires du royaume ; que ce royaume devant après tout lui revenir, c’était à lui à le garder des compagnies qui gâtaient tout le pays. Le dauphin, qui était entre ses conseillers ordinaires les maréchaux de Champagne et de Normandie, répondit avec plus de hardiesse que de coutume : « Je le ferais volontiers, si j’avais de quoi le faire ; mais c’est à celui qui a les droits et profits à avoir aussi la garde du royaume[1]. » Il y eut encore quelques paroles aigres, et le prévôt éclata : « Monseigneur, dit-il au dauphin, ne vous étonnez de rien de ce que vous allez voir ; il faut qu’il en soit ainsi. » Puis, se tournant vers les hommes aux capuces rouges, il leur dit : « Faites vite ce pourquoi vous êtes venus[2]. » À l’instant, ils se jetèrent sur le maréchal de Champagne et le tuèrent près du lit du dauphin. Le maréchal de Normandie s’était retiré dans un cabinet ; ils l’y poursuivirent et le tuèrent aussi. Le dauphin se croyait perdu ; le sang avait rejailli jusque sur sa robe. Tous ses officiers avaient fui. « Sauvez-moi la vie », dit-il au prévôt. Marcel lui dit de ne rien craindre. Il changea de chaperon avec lui, le couvrant ainsi des couleurs de la ville. Toute la journée, Marcel porta hardiment le chaperon du dauphin. Le peuple

  1. Froissart.
  2. « Eia breviter facite hoc propter quod huc venistis. » (Cont. G. de Nangis.)