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ÉTATS GÉNÉRAUX

jetée à l’eau… Il avait tué en ce jour plus de quarante hommes… Quant au capitaine, Guillaume aux Allouettes, il mourut de ses blessures, et ils l’enterrèrent avec bien des larmes, car il était bon et sage… Les Anglais furent encore battus une autre fois par Le Grand ; mais cette fois hors des murs. Plusieurs nobles anglais furent pris, qui auraient donné de bonnes rançons, si on les eût rançonnés, comme font les nobles[1] ; mais on les tua, afin qu’ils ne fissent plus de mal. Cette fois Le Grand, échauffé par cette besogne, but de l’eau froide en quantité et fut saisi de la fièvre. Il s’en alla à son village, regagna sa cabane et se mit au lit, non toutefois sans garder près de lui sa hache de fer qu’un homme ordinaire pouvait à peine lever. Les Anglais, ayant appris qu’il était malade, envoyèrent un jour douze hommes pour le tuer. Sa femme les vit venir et se mit à crier : « Ô mon pauvre Le Grand, voilà les Anglais ! que faire ?… » Lui, oubliant à l’instant son mal, se lève, prend sa hache et sort dans la petite cour : « Ah ! brigands, vous venez donc pour me prendre au lit ! vous ne me tenez pas encore… » Alors, s’adossant à un mur, il en tue cinq en un moment ; les autres s’enfuient. Le Grand se remit au lit ; mais il avait chaud, il but encore de l’eau froide ; la fièvre le reprit plus fort, et au bout de quelques jours, ayant reçu les sacrements de l’Église, il sortit du siècle et fut enterré au cimetière de son village. Il fut pleuré de tous ses compagnons, de tout le

  1. « Sicut nobiles viri faciunt. » (Contin. G. de Nangis.)