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HISTOIRE DE FRANCE

Anglais, qui campaient à Creil, n’en tinrent grand compte, et dirent bientôt : « Chassons ces paysans, la place est forte et bonne à prendre. » On ne s’aperçut pas de leur approche, ils trouvèrent les portes ouvertes et entrèrent hardiment. Ceux du dedans, qui étaient aux fenêtres, sont d’abord tout étonnés de voir ces gens armés. Le capitaine est bientôt entouré, blessé mortellement. Alors Le Grand-Ferré et les autres se disent : « Descendons, vendons bien notre vie ; il n’y a pas de merci à attendre. » Ils descendent en effet, sortent par plusieurs portes et se mettent à frapper sur les Anglais, comme s’ils battaient leur blé dans l’aire[1] ; les bras s’élevaient, s’abattaient, et chaque coup était mortel. Le Grand, voyant son maître et capitaine frappé à mort, gémit profondément, puis il se porta entre les Anglais et les siens qu’il dominait également des épaules, maniant une lourde hache, frappant et redoublant si bien qu’il fit place nette ; il n’en touchait pas un qu’il ne fendît le casque ou n’abattit les bras. Voilà tous les Anglais qui se mettent à fuir ; plusieurs sautent dans le fossé et se noient. Le Grand tue leur porte-enseigne et dit à un de ses camarades de porter la bannière anglaise au fossé. L’autre lui montrant qu’il y avait encore une foule d’ennemis entre lui et le fossé : « Suis-moi donc », dit Le Grand. Et il se mit à marcher devant, jouant de la hache à droite et à gauche, jusqu’à ce que la bannière eût été

  1. « Super Anglicos ita se habebant, ac si blada in horreis more suo solito flagellassent. » (Contin. G. de Nangis.)