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ÉTATS GÉNÉRAUX

avons une patrie. Ce sont des Français que ces paysans, n’en rougissez pas, c’est déjà le peuple français, c’est vous, ô France ! Que l’histoire vous les montre beaux ou laids, sous le capuce de Marcel, sous la jaquette des Jacques, vous ne devez pas les méconnaître. Pour nous, parmi tous les combats des nobles, à travers les beaux coups de lance où s’amuse l’insouciant Froissart, nous cherchons ce pauvre peuple. Nous l’irons prendre dans cette grande mêlée, sous l’éperon des gentilshommes, sous le ventre des chevaux. Souillé, défiguré, nous l’amènerons tel quel au jour de la justice et de l’histoire, afin que nous puissions lui dire, à ce vieux peuple du quatorzième siècle : « Vous êtes mon père, vous êtes ma mère. Vous m’avez conçu dans les larmes. Vous avez sué la sueur et le sang pour me faire une France. Bénis soyez-vous dans votre tombeau ! Dieu me garde de vous renier jamais ! »

Lorsque le dauphin rentra dans Paris, appuyé sur le meurtrier, il y eut, comme toujours en pareille circonstance, des cris, des acclamations. Ceux qui le matin s’étaient armés pour Marcel cachaient leurs capuces rouges, et criaient plus fort que les autres[1].

Avec tout ce bruit, il n’y avait pas beaucoup de gens qui eussent confiance au dauphin. Sa longue taille maigre, sa face pâle et son visage longuet[2] n’avaient jamais plu au peuple. On n’en attendait ni

  1. « Illa rubea capucia, quæ antea pompose gerebantur, abscondita… » (Contin. G. de Nangis.)
  2. « De corsage estoit hault et bien formé, droit et lé par les espaules, et haingre par les flans ; groz bras et beauls membres, visage un peu longuet,