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HISTOIRE DE FRANCE

cloches, mises en branle, mugissaient dans une pieuse harmonie ; le clergé chantait en toute joie et dévotion : Te Deum laudamus Tous se réjouissaient, excepté peut-être ceux qui avaient fait de gros gains dans les guerres, par exemple les armuriers… Les faux traîtres, les brigands craignaient la potence. Mais de ceux-ci n’en parlons plus[1]. »

La joie ne dura guère. Cette paix, tant souhaitée, fit pleurer toute la France. Les provinces que l’on cédait ne voulaient pas devenir anglaises. Que l’administration des Anglais fût pire ou meilleure, leur insupportable morgue les faisait partout détester. Les comtes de Périgord, de Comminges, d’Armagnac, le sire d’Albret et beaucoup d’autres disaient avec raison que le seigneur n’avait pas droit de donner ses vassaux. La Rochelle, d’autant plus française que Bordeaux était anglais, supplia le roi, au nom de Dieu, de ne pas l’abandonner. Les Rochellais disaient qu’ils aimeraient mieux être taillés tous les ans de la moitié de leur chevance, et encore « nous nous soumettrons aux Anglais des lèvres, mais de cœur jamais[2] ».

Ceux qui restaient Français n’en étaient que plus misérables. La France était devenue une ferme de l’Angleterre. On n’y travaillait plus que pour payer les sommes prodigieuses par lesquelles le roi s’était racheté. Nous avons encore, au Trésor des Chartes, les quittances de ces payements. Ces parchemins font mal à voir ; ce que chacun de ces chiffons représente de

  1. Contin. G. de Nangis.
  2. App. 231.