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PHILIPPE-LE-BEL. — BONIFACE VIII

ce pauvre moyen âge, papauté, chevalerie, féodalité, sous quelle main périssent-ils ? Sous la main du procureur, du banqueroutier, du faux monnayeur.

La plainte est excusable ; ce nouveau monde est laid. S’il est plus légitime que celui qu’il remplace, quel œil, fût-ce celui de Dante, pourrait le découvrir à cette époque ? Il naît sous les rides du vieux droit romain, de la vieille fiscalité impériale. Il naît avocat, usurier ; il naît gascon, lombard et juif.

Ce qui irrite le plus contre ce système moderne, contre la France, son premier représentant, c’est sa contradiction perpétuelle, sa duplicité d’instinct, l’hypocrisie naïve, si je puis dire, avec laquelle il va attestant tour à tour et alternant ses deux principes, romain et féodal. La France est alors un légiste en cuirasse, un procureur bardé de fer ; elle emploie la force féodale à exécuter les sentences du droit romain et canonique.

Fille obéissante de l’Église, elle s’empare de l’Italie et de l’Église même ; si elle bat l’Église, c’est comme sa fille, comme obligée en conscience de corriger sa mère.


Le premier acte du petit-fils de saint Louis avait été d’exclure les prêtres de l’administration de la justice, de leur interdire tout tribunal, non seulement au parlement du roi et dans ses domaines, mais dans ceux des seigneurs (1287). « Il a été ordonné par le conseil du seigneur roi que les ducs, comtes, barons, archevêques et évêques, abbés, chapitres, collèges, gentilshommes (milites), et en général, tous ceux qui ont en