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EXPULSION DES ANGLAIS

anciens, ne touchait pas les hommes féodaux. L’Anglais s’en allait au petit pas, quand un brave boucher avance sur le chemin, et d’une lourde hache à long manche lui décharge un coup entre les deux épaules ; il redouble sur la tête et le renverse. Trois autres surviennent, et à eux quatre ils frappaient sur l’Anglais « ainsi que sur une enclume ». Les seigneurs qui étaient à la porte, vinrent le ramasser pour l’enterrer en terre sainte.

Le prince de Galles ne trouva pas plus d’obstacles pour assiéger Limoges que Knolles pour insulter Paris. Duguesclin avait lui-même conseillé de dissoudre l’armée du Midi et n’avait gardé que deux cents lances pour courir le pays. Le prince en voulait d’autant plus cruellement aux gens de Limoges, que l’auteur de la défection de cette ville, l’évêque, était sa créature et son compère. Il avait juré l’âme de son père qu’il ferait payer cher à la ville cette trahison. Les bourgeois, fort effrayés, auraient voulu se rendre. Mais les capitaines français les en empêchèrent. Cependant le prince, ayant fait miner une partie des murailles, les fit sauter et entra par la brèche. Il était trop malade pour chevaucher, mais se faisait traîner dans un chariot. Il avait donné ordre de tuer tout, hommes, femmes et enfants. Il se donna le spectacle de cette boucherie. « Il n’est si dur cœur que, s’il fut adonc en la cité de Limoges, et il lui souvint de Dieu, qui n’en pleurât tendrement[1] ». Le prince de Galles ne s’en

  1. « Plus de trois mille personnes y furent décollées cette journée. Dieu en ait les âmes, car ils furent bien martyrs. » (Froissart.)