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EXPULSION DES ANGLAIS

guerre n’aboutit encore à rien. Le roi de France ne put être forcé ni à combattre ni à rendre ; il resta les mains garnies[1].

L’habileté de Charles V et l’affaiblissement des autres États avaient relevé la France au moins dans l’opinion. Toute la chrétienté regardait de nouveau vers elle. Le pape, la Castille, l’Écosse, regardaient le roi comme un protecteur. Frère du futur comte de Flandre, allié des Visconti, il voyait les rois d’Aragon, de Hongrie, ambitionner son alliance. Il recevait les ambassades lointaines du roi de Chypre, du soudan de Bagdad, qui s’adressait à lui, comme au premier prince des Francs[2]. L’empereur même lui rendit une sorte d’hommage en le visitant à Paris. Après avoir aliéné les droits de l’Empire en Allemagne et en Italie, il venait donner au dauphin le titre du royaume d’Arles.

La subite restauration du royaume de France était un miracle que chacun voulait voir. De toutes parts on venait admirer ce prince qui avait tant enduré, qui avait vaincu à force de ne pas combattre[3], cette patience de Job, cette sagesse de Salomon. Le quatorzième siècle se désabusait de la chevalerie, des folies héroïques, pour révérer en Charles V le héros de la patience et de la ruse.

Ce prince naturellement économe, ce roi d’un peuple

  1. App. 260.
  2. « Comme au solennel prince des chrétiens. »
  3. « Le roi Charles de France fut durement sage et subtil ; car tout quoi (coi) étoit en ses chambres et en ses déduits ; si reconquéroit ce que ses prédécesseurs avoient perdu sur le champ, la tête armée et l’épée au poing. » (Froissart.)