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HISTOIRE DE FRANCE

Sa finesse le mena au piège. Le roi lui garda son fils, lui reprit Montpellier, et saisit son comté d’Évreux. On prit son lieutenant Dutertre, son conseiller Du Rue qui, disait-on, était venu empoisonner le roi. On accusait Charles-le-Mauvais d’avoir empoisonné déjà la reine de France, la reine de Navarre et d’autres encore. Tout cela n’était pas invraisemblable : ce petit prince, exaspéré par ses longs malheurs, pouvait essayer de reprendre par le crime et la ruse ce que la force lui avait ôté. Il avait sujet de haïr les siens autant que l’ennemi. Sa femme le trompait pour le brave capitaine gascon des Anglais, le captal de Buch[1]. Du Rue avoua seulement que Charles-le-Mauvais comptait empoisonner le roi par le moyen d’un jeune médecin de Chypre, qui pouvait s’introduire aisément près de Charles V et lui plaire, « parce qu’il parloit beau latin, et étoit fort argumentatif ». Dutertre et Du Rue furent exécutés. Charles V tira de ce procès l’avantage d’avilir, de déshonorer le roi de Navarre, de lui faire une réputation d’empoisonneur, de tuer ainsi ses prétentions au trône de France.

Charles-le-Mauvais perdit tout dans le Nord, excepté Cherbourg. Au Midi les Castillans le menaçaient. Il eût perdu la Navarre même, si les Anglais n’étaient venus à son secours. Les Gascons y aidèrent les Anglais. Ceux-ci essayèrent ensuite de prendre Saint-Malo, et n’y réussirent pas plus que les Français à prendre Cherbourg. Tout ce grand mouvement de

  1. App. 259.