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APPENDICE

Villani. Il ajoute, sans doute pour rendre la chose plus dramatique et plus honteuse aux Français, que deux chevaliers catalans jetèrent le gant, et s’offrirent pour défendre l’innocence de Boniface. (Villani, l. IX, c. xxii, p. 454).


87 — page 151Tout concile parlait de la croisade, etc.

La pièce suivante, trouvée à l’abbaye des dames de Longchamp, est un échantillon des merveilleux récits par lesquels on tâchait de réchauffer le zèle du peuple pour la croisade : « A trez sainte dame de la réal lingniée des Françoiz, Jehenne, Royne de Jerusalem et de Cécile, notre trez honorable cousine, Hue roy de Cypre, tous ses boz désirs emprospérité venir. Esjouissez vous et elessiez avecquez nous et avecques lez autrez crestienz portans le singne de la croix, qui pour la reverance de Dieu et la venjance du trez doulz Jhesucrist qui pour nous sauver voult estre en l’autel de la crois sacrefiez, se combatent contre la trez mescréant gents des Turz. Eslevez au ciel le cri de vous voiz au plus haut que vous pourrez et criez ensemble et faitez crier en rendant gracez et loangez sans jamez cesser à la benoite Trinité et à la très glorieuse Vierge Marie de si sollempnel si grant et singullier bénéfice qui onquez maiz tel dusquez à hore ne fu ouis, lequel je faiz savoir. Quar le xxiiii jours de juing, nous avecquez lez autrez crestienz signés du singne de la croiz, estions assemblez en un plain entre Smirme et haut lieu, là ou estoit l’ost et l’assemblée trez fort et trez puissant des Turz prez de xiic. mille, et nous crestiens environ cc. mille, meuz et animez de la vertu divine, comansamez à si vigreusement combattre et si grant multitudez Turz mettre à mort, que environ de heure de vesprez nous feusmez tant lassez et tant afoibloiez que nous n’en poyons pluz. Mais tous cheuz à terre atandions la mort et le loier de notre martire, pour ce que des Turzs avait encore moult deschiellez qui encore point ne sestoient combatu ne nestoient de rienz travaillez et venoient contre nous, aussi désiraux de boire notre sanc comme chienz sont désiraux de boire le sanc des lievrez. Et beu l’eussent, si la très haute doulceur du ciel ne eust aultrement pourveu. Mais quant lez chevaliers de Jhesucrit se regarderent que il estoient venuz à tel point de la bataille, si commencierent de cuer ensemble à crier à voiz enroueez de leur grant labeur et de leur grant feblesce : O très doulz fils de la trèz doulce Vierge Marie, qui pour nous racheter voulsiz estre crucifiez, donne nous ferme espérance et veillez noz cuers si en vous confermer que nous pussions par l’amour de ton glorieux non le loier de martire recevoir, que pluz ne nous poonz deffandre de cez chienz mescreanz.