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HISTOIRE DE FRANCE

ce conquérant, à venir s’expliquer par-devant ce qu’il appelait le tribunal des pairs. Il le menaça, puis il l’amusa, lui offrit une princesse de France pour prix d’une soumission fictive, d’une simple saisie, qui arrangerait tout. L’arrangement fut que l’Anglais ouvrit ses places, que Philippe les garda, et retira ses offres. Cette grande province, ce royaume de Guyenne, fut escamoté.

Édouard cria en vain. Il demanda et obtint contre Philippe l’alliance du roi des Romains, Adolphe de Nassau, celle des ducs de Bretagne et de Brabant, des comtes de Flandre, de Bar et de Gueldres. Il écrivit humblement à ses sujets de Guyenne, leur demandant pardon d’avoir consenti à la saisie[1]. Mais, trop occupé en Écosse, il ne vint pas lui-même en Guyenne, et son parti n’éprouva que des revers. Philippe eut pour lui le pape (Boniface VIII), qui lui devait la tiare, et qui, pour lui donner un allié, délia le roi d’Écosse des serments qu’il avait prêtés au roi d’Angleterre. Enfin, il fit si bien que les Flamands, mécontents de leur comte, l’appelèrent à leur secours. Pour soutenir la guerre, les deux rois comptaient sur la Flandre. La grasse Flandre était la tentation naturelle de ces gouvernements voraces. Tout ce monde de barons, de chevaliers, que les rois de France sevraient de croisades et de guerres privées, la Flandre était leur rêve, leur poésie, leur Jérusalem. Tous étaient prêts à faire un joyeux pèlerinage aux magasins de Flandre, aux

  1. App. 10.