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APPENDICE

portes et huis et fenêtres. A peine eurent ses varlets ce fait, quand la rue où il demeuroit fut toute couverte, devant et derrière, de gens, spécialement de menues de métier. Là fut son hôtel environné et assailli devant et derrière, et rompu par force. Bien est voir (vrai) que ceux de dedans se défendirent moult longuement et en atterrèrent et blessèrent plusieurs ; mais finalement ils ne purent durer, car ils étoient assaillis si roide que presque les trois parts de la ville étoient à cet assaut. Quand Jacques d’Artevelle vit l’effort, et comment il étoit appressé, il vint à une fenêtre sur la rue, se commença à humilier et dire, par trop beau langage et à un chef : « Bonnes gens, que vous faus ? Que vous meut ? Pourquoi êtes-vous si troublés sur moi ? En quelle manière vous puis-je avoir courroucé ? Dites-le moi, et je l’amenderai pleinement à votre volonté. » Donc répondirent-ils, à une voix, ceux qui ouï l’avoient : « Nous voulons avoir compte du grand trésor de Flandre que vous avez dévoyé sans titre de raison. » Donc répondit Artevelle moult doucement : « Certes, seigneurs, au trésor de Flandre ne pris-je oncques denier. Or vous retraiez bellement en vos maisons, je vous en prie, et revenez demain au matin ; et je serai si pourvu de vous faire et rendre bon compte que par raison il vous devra suffire. » Donc répondirent-ils, d’une voix : « Nennin, nennin, nous le voulons tantôt avoir ; vous ne nous échapperez mie ainsi : nous savons de vérité que vous l’avez vidé de piéça, et envoyé en Angleterre, sans notre sçu, pour laquelle cause il vous faut mourir. » Quand Artevelle ouit ce mot, il joignit ses mains et commança pleurer moult tendrement, et dit : « Seigneurs, tel que je suis vous m’avez fait, et me jurâtes jadis que contre tous hommes vous me défendriez et garderiez ; et maintenant vous me voulez occire et sans raison. Faire le pouvez, si vous voulez, car je ne suis que un seul homme contre vous tous, à point de défense. Avisez pour Dieu, et retournez au temps passé. Si considerez les grâces et les grands courtoisies que jadis vous ai faites. Vous me voulez rendre petit guerredon (récompense) des grands biens que au temps passé je vous ai faits. Ne savez-vous comment toute marchandise étoit périe en ce pays ? je la vous recouvrai. En après, je vous ai gouvernés en si grande paix, que vous avez eu, du temps de mon gouvernement, toutes choses à volonté, blés, laines, avoir, et toutes marchandises, dont vous êtes recouvrés et en bon point. » Adonc commencèrent eux à crier tous à une voix : « Descendez, et ne nous sermonez plus de si haut ; car nous voulons avoir compte et raison tantôt du grand trésor de Flandre que vous avez gouverné trop longuement, sans rendre compte ; ce qui