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HISTOIRE DE FRANCE

Somme et aussi deça l’yaue d’Oise, et combien que à plusieurs d’euls rien ne leur ait esté meffait, toutevoies ils ont ars les villes, tué les bonnes gens des paiis, sens pitié et miséricorde quelconques, robe et pillié tout quanques il ont trouvé, femmes, enfans, prestres, religieux, mis à crueuses gehines pour savoir l’avoir des gens et ycels prendre et rober, et plusieurs d’iceuls fait morir ès gehines… les pucelles corrompues et les femmes violées en présence de leurs maris, et briefment fait plus de mauls plus cruelment et plus inhumainement que oncques ne firent les Wandres, ne Sarrasins… et encore ès-dits mauls persévèrent de jour en jour, et tous marchans qu’ils trouvent mettent à mort, en raençonnent et ostent leurs marchandises, tout homme non noble de bonnes villes ou de plat paiis et les laboureurs tous mettent à mort et robent et dérobent… Et bien savons que monseigneur le duc (le régent), nous, noz biens et de tout le plat paiis a mis en habandon aus nobles et de ce qu’il ont fait et feront sur nous, les a advoez, ne n’ont autres gaiges de li que ce que il peuvent rober, et combien que lidit noble, depuis la prise du roy nostre sire, ne soient volu armer contre les ennemis du royaume, si comme chascun a veu et sceu, ne aussi monseigneur le duc, toutevoies contre nous se sont armé et contre le commun, et pour la très-grant hayne qu’ils ont à nous, et à tout le commun et les grant pilles et roberies que il font sur le peuple, il en vient grant et si grant quantité que c’est merveille. » (Lettre d’Étienne Marcel aux bonnes villes de France et de Flandre, publiée par M. Kervyn de Lottenhove. — Voy. aussi Perrens.)

Le régent, qui n’eut pas un mot de blâme pour les gentilshommes qui s’étaient rendus coupables de ces meurtres et de ces spoliations, nous apprend lui-même qu’au mois d’août (1358) les nobles continuaient « de piller, de voler, de violer dans les environs de Reims (et ailleurs), malgré les défenses par lui faites ». Les habitants de diverses villes, entre autres Saint-Thierry, Talmersy, le Grand et le Petit-Pouillon, Villers-Sainte-Anne, Chenay, Chalon-sur-Vesle et Villers-Franqueux voulurent s’opposer à ces indignes traitements ; les nobles en tuèrent plus de cinquante. Cependant le prévôt forain de Laon accuse les bourgeois d’avoir attaqué les gentilshommes au service du régent et les veut condamner à l’amende, « et que pis est lez diz nobles accompaigniez de plusieurs autres se soient depuis efforciez et s’efforcent encore de jour en jour de chevauchier et chevauchent continuellement ès dites villes de mettre à mort et peurs genz et chevaux de harnais et autres, à rançonner villes et genz, pour lesquelles choses il a con-