des Juifs et les fêtes séculaires de Rome païenne. On sait que le Jubilé mosaïque, revenant tous les cinquante ans, devait rendre la liberté aux esclaves, les terres aliénées à leur premier possesseur ; il devait annuler l’histoire, défaire le temps, pour ainsi dire, au nom du seul Éternel. La vieille Rome, dans un tout autre point de vue, emprunta des Étrusques la doctrine des Âges[1] ; mais ce ne fut point pour y reconnaître la mobilité de ce monde, la mortalité des empires. Rome se croyait Dieu, elle se jugeait immortelle comme invincible, et, au retour de chaque siècle, solennisait son éternité.
En l’an 1300, la foi était grande encore. La foule fut prodigieuse à Rome[2]. On compta les pèlerins par cent mille, et bientôt il n’y eut plus moyen de compter. Ni les maisons, ni les églises ne suffirent à les recevoir ; ils campèrent par les rues et les places, sous des abris construits à la hâte, sous des toiles, sous des tentes et sous la voûte du ciel. On eût dit que, les temps étant accomplis, la chrétienté venait par-devant son juge dans la vallée de Josaphat.
Pour se représenter l’effet de ce prodigieux spectacle, il faut encore voir Rome, toute déchue qu’elle est, il faut la voir pendant les fêtes de Pâques. On oublierait presque que c’est bien là la triste Rome, la veuve de deux antiquités.
Quel qu’ait été le motif de Boniface VIII, fiscal ou