Page:Michelet - OC, Histoire de France, t. 3.djvu/56

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
46
HISTOIRE DE FRANCE

forcerait, nous en ferait un devoir, nous ne les emploierions qu’à regret et malgré nous[1]. »

Ces graves paroles, mêlées de douceur et de menaces, devaient faire impression. Aucun pontife n’avait été jusque-là plus partial pour nos rois que Boniface. La maison de France l’avait fait pape, il est vrai ; mais, en retour, il la faisait reine, autant qu’il était en lui. Il avait appelé en Italie Charles-de-Valois, et, en attendant l’empire latin de Constantinople, il l’avait créé comte de Romagne, capitaine du patrimoine de saint Pierre, seigneur de la marche d’Ancône. Il obtint aux princes français le trône de Hongrie ; il fit ce qu’il put pour leur procurer le trône impérial et celui de Castille. En 1298, pris pour arbitre entre les rois de France et d’Angleterre, il essaya de les rapprocher par des mariages, et, par une sentence provisoire, il ajourna les restitutions que Philippe devait à l’Anglais.

La papauté, toute vieillie qu’elle était déjà, apparaissait encore comme l’arbitre du monde. Boniface VIII avait été appelé à juger entre la France et l’Angleterre, entre l’Angleterre et l’Écosse, entre Naples et l’Aragon, entre les empereurs Adolphe de Nassau et Albert d’Autriche. N’y avait-il pas lieu pour le pape de se faire illusion sur ses forces réelles ?

L’infatuation fut au comble, lorsqu’en l’an 1300 Boniface promit rémission des péchés à tous ceux qui viendraient visiter pendant trente jours les églises des Saints-Apôtres. Ce Jubilé rappelait tout à la fois celui

  1. Dupuy, Différ.