à garder à l’archevêque de Narbonne, que l’or et l’argent ne sortiraient plus de France, que les prélats n’iraient point à Rome. Ce fut une rude insulte pour le pape encore triomphant de son Jubilé, quand ce petit avocat borgne[1] vint lui parler si librement. L’altercation fut violente. Le pape le prit de haut : « Mon pouvoir, dit-il, renferme les deux. » Pierre Flotte répondit par un aigre distinguo : « Oui, mais votre pouvoir est verbal, celui du roi réel. » Le Gascon Nogaret, qui était venu avec Pierre Flotte, ne put se contenir ; il parla avec la violence et l’emportement méridional sur les abus de la cour pontificale, sur la conduite même du pape. Ils sortirent ainsi de Rome, enragés dans leur haine d’avocats contre les prêtres, ayant outragé le pape, et sûrs de périr s’ils ne le prévenaient.
Pour soulever tout le monde contre Boniface, il fallait tirer quelques propositions bien claires et bien choquantes du doucereux bavardage où la cour de Rome aimait à noyer sa pensée. Ils arrangèrent donc entre eux une brutale petite bulle où le pape exprimait crûment toutes ses prétentions. En même temps, ils faisaient courir une fausse réponse à la fausse bulle, où le roi parlait au pape avec une violence et une grossièreté populacières. Cette réponse, bien entendu, n’était pas destinée à être envoyée, mais elle devait avoir deux effets. D’abord elle avilissait le pouvoir
- ↑ « Belial ille, Petrus Flote, semi vivens corpore, menteque totaliter excæcatus. » (Bulle de Boniface aux prélats de France.)