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HISTOIRE DE FRANCE

Nogaret s’était fait donner des pouvoirs illimités du roi, un véritable blanc-seing, pour traiter, et pour faire tout ce qui serait à propos[1]. Il partit pour l’Italie avec cette arme, personnellement intéressé à s’en servir pour la perte du pape. Il prit poste à Florence près du banquier du roi de France, qui devait lui donner tout l’argent qu’il demanderait. Il avait avec lui le gibelin des gibelins, le proscrit et la victime de Boniface, un homme voué et damné pour la mort du pape, Sciarra Colonna. C’était un homme précieux pour un coup. Ce roi des montagnards sabins, des banditi de la campagne romaine, savait si bien ce que le pape eût fait de lui, qu’étant tombé dans les mains des corsaires, il rama pour eux pendant plusieurs années, plutôt que de dire son nom et de risquer d’être vendu à Boniface[2].

Après la bulle du 15 août, on devait croire que Boniface allait lancer la sentence qui avait mis tant de rois hors du trône, et déclarer les sujets de Philippe déliés de leur serment envers lui. Réconcilié avec l’empereur Albert, il savait à qui donner la France. Il allait peut-être renouveler contre la maison de Capet la tragique histoire de la maison de Souabe. La bulle était prête en effet dès le 5 septembre. Il fallait la prévenir, émousser cette arme dans les mains du pape en lui signifiant l’appel au concile. Il fallait lui signifier cet appel à Anagni, dans sa ville natale, où il s’était réfugié au milieu de ses parents, de ses

  1. App. 32.
  2. Pétrarque.