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PHILIPPE-LE-BEL. — BONIFACE VIII

amis, au milieu d’un peuple qui venait de traîner dans la boue les lis et le drapeau de France[1]. Nogaret n’était pas homme de guerre, mais il avait de l’argent. Il se ménagea des intelligences dans Anagni, et pour dix mille florins (nous avons la quittance[2]), il s’assura de Supino, capitaine de Ferentino, ville ennemie d’Anagni. « Supino s’engagea pour la vie ou la mort dudit Boniface[3]. » Colonna donc et Supino, avec trois cents cavaliers et beaucoup de gens à pied, de leurs clients ou des soldats de France, introduisirent Nogaret dans Anagni aux cris de : Meure le pape, vive le roi de France[4] ! La commune sonne la cloche, mais elle prend justement pour capitaine un ennemi de Boniface[5], qui donne la main aux assaillants, et se met à piller les palais des cardinaux ; ils se sauvèrent par les latrines. Les gens d’Anagni, ne pouvant empêcher le pillage, se mettent à piller de compagnie. Le pape, près d’être forcé dans son palais, obtient un moment de trêve, et fait avertir la commune ; la commune s’excuse. Alors cet homme si fier s’adressa à Colonna lui-même. Mais celui-ci voulait qu’il abdiquât et se rendît à discrétion. « Hélas ! dit Boniface, voilà de dures paroles[6] ! » Cependant ses ennemis avaient brûlé une église qui défendait le palais. Le neveu du pape abandonna son oncle et traita pour lui-même. Ce der-

  1. App. 33.
  2. Dupuy.
  3. App. 34.
  4. « Muoia papa Bonifacio, è viva il rè di Francia. » (Villani.)
  5. « Pulsata communi campana, et tractatu habito, elegerunt sibi capitaneum quemdam Arnulphum… Qui quidem… illis ignorantibus, domini papæ exstitit capitalis inimicus. » (Walsingham.)
  6. « Heu me ! durus est hic sermo ! »