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L’OR. — LE FISC. — LES TEMPLIERS

mais déjà à la volonté ; à la volonté mauvaise, au Diable, il est vrai. C’était un mauvais industrialisme, qui, ne pouvant tirer de la volonté les trésors que contient son alliance avec la nature, essayait de gagner, par la violence et le crime, ce que le travail, la patience, l’intelligence, peuvent seuls donner.

Au moyen âge, celui qui sait où est l’or, le véritable alchimiste, le vrai sorcier, c’est le juif ; ou le demi-juif, le Lombard[1]. Le juif, l’homme immonde, l’homme qui ne peut toucher denrée ni femme qu’on ne la brûle, l’homme d’outrage, sur lequel tout le monde crache[2], c’est à lui qu’il faut s’adresser.

Sale et prolifique nation, qui par-dessus toutes les autres eut la force multipliante, la force qui engendre, qui féconde à volonté les brebis de Jacob ou les sequins de Shylock. Pendant tout le moyen âge, persécutés, chassés, rappelés, ils ont fait l’indispensable intermédiaire entre le fisc et la victime du fisc, entre l’agent et le patient, pompant l’or d’en bas, et le rendant au roi par en haut avec laide grimace[3]… Mais il leur en restait toujours quelque chose… Patients,

  1. Dans l’usure, les juifs, dit-on, ne faisaient qu’imiter les Lombards, leurs prédécesseurs. (Muratori.)
  2. À Toulouse, on les souffletait trois fois par an, pour les punir d’avoir autrefois livré la ville aux Sarrasins ; sous Charles-le-Chauve, ils réclamèrent inutilement. — À Béziers, on les chassait à coups de pierres pendant toute la Semaine Sainte. Ils s’en rachetèrent en 1160. — Ils commencèrent, sous le règne de Philippe-Auguste, à porter la rouelle jaune, et le concile de Latran en fit une loi à tous les juifs de la chrétienté (canon 68).
  3. Souvent ils firent l’objet de traités entre seigneurs. Dans l’ordonnance de 1230, il est dit « que personne dans notre royaume ne retienne le juif d’un autre seigneur ; partout où quelqu’un retrouvera son juif, il pourra le reprendre comme son esclave (tanquam proprium servum), quelque long