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Page:Michelet - OC, Histoire de France, t. 3.djvu/100

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HISTOIRE DE FRANCE

indestructibles, ils ont vaincu par la durée[1]. Ils ont résolu le problème de volatiliser la richesse ; affranchis par la lettre de change, ils sont maintenant libres, ils sont maîtres ; de soufflets en soufflets, les voilà au trône du monde[2].

Pour que le pauvre homme s’adresse au juif, pour qu’il approche de cette sombre petite maison si mal famée, pour qu’il parle à cet homme qui, dit-on, crucifie les petits enfants, il ne faut pas moins que l’horrible pression du fisc. Entre le fisc qui veut sa moelle et son sang, et le Diable qui veut son âme, il prendra le juif pour milieu.

Quand donc il avait épuisé sa dernière ressource, quand son lit était vendu, quand sa femme et ses enfants, couchés à terre, tremblaient de fièvre ou criaient du pain, alors, tête basse et plus courbé que

    séjour qu’il ait fait sur les terres d’un autre seigneur. » On voit en effet dans les Établissements que les meubles des juifs appartenaient aux barons. Peu à peu le juif passa au roi, comme la monnaie et les autres droits fiscaux.

  1. Patiens, quia æternus… — C’est l’usage que les juifs se tiennent sur le passage de chaque nouveau pape, et lui présentent leur loi. Est-ce un hommage ou un reproche de la vieille loi à la nouvelle, de la mère à la fille ?… — « Le jour de son couronnement, le pape Jean XXIII chevaucha avec sa mitre papale de rue en rue dans la ville de Boulogne-la-Grasse, faisant le signe de la croix jusques en la rue où demeuroient les juifs, lesquels offrirent par écrit leur loi, laquelle, de sa propre main, il prit et reçut, et puis la regarda, et tantôt la jeta derrière lui, en disant : « Votre loi est bonne, mais d’icelle la nôtre est meilleure. » Et lui parti de là, les juifs le suivoient le cuidant atteindre, et fut toute la couverture de son cheval déchirée ; et le pape jetoit, par toutes les rues où il passoit, monnoie, c’est à savoir deniers qu’on appelle quatrins et mailles de Florence ; et y avoit devant lui et derrière lui deux cents hommes d’armes, et avoit chacun en sa main une masse de cuir dont ils frappoient les juifs, tellement que c’étoit grand’joie à voir. » (Monstrelet.)
  2. App. 43.