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LE DUC D’ORLÉANS, LE DUC DE BOURGOGNE

journalières de sa maison[1]. Quoiqu’il laissât à sa mort une masse énorme, inestimable, de meubles, de joyaux, d’objets précieux, il y avait lieu de craindre qu’ils ne suffissent point à payer tant de créanciers. Plutôt que de toucher aux immeubles, la veuve se décida à renoncer à la succession des biens mobiliers.

Ce n’était pas chose simple, au moyen âge, que cession et renonciation. Le débiteur insolvable faisait triste figure ; il devait se dégrader lui-même de chevalerie en s’ôtant le ceinturon. Dans certaines villes, il fallait que, par-devant le juge et sous les huées de la foule, « il frappât du cul sur la pierre[2] ». La cession du débiteur était honteuse. La renonciation de la veuve était odieuse et cruelle. Elle venait déposer les clefs sur le corps du défunt, comme pour lui dire qu’elle lui rendait sa maison, renonçant à la communauté, et n’ayant plus rien à voir avec lui ; elle reniait son mariage[3]. Il n’y avait guère de pauvre femme qui se décidât à boire une telle honte, à briser ainsi son cœur… Elles donnaient plutôt leur dernière chemise.

La duchesse de Bourgogne ne recula pas. Cette femme d’une audace virile accomplit bravement la

  1. Le Religieux.
  2. App. 70.
  3. La renonciation de la veuve n’est pas en effet sans analogie avec le reniement du mariage, par lequel la loi de Castille permettait à la femme noble qui avait épousé un roturier de reprendre sa noblesse à la mort de son mari. Il fallait qu’elle allât à l’église avec une hallebarde sur l’épaule ; là elle touchait de la pointe la fosse du défunt et elle lui disait : « Vilain, garde ta vilainie, que je puisse reprendre ma noblesse. » (Note communiquée par M. Rossew-Saint-Hilaire.) App. 71.