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HISTOIRE DE FRANCE

cents docteurs, et les ambassadeurs des rois ; elle siégeait dans la vénérable église byzantine de Pise, à deux pas du Campo-Santo. Elle n’en écouta pas moins avec complaisance le facétieux récit des ruses et des subterfuges par lesquels les deux papes éludaient depuis tant d’années la cession qu’on leur demandait. Ces ennemis acharnés s’entendaient au fond à merveille. Tous deux, à leur exaltation, avaient juré de céder. Mais ils ne pouvaient, disaient-ils, céder qu’ensemble, qu’au même moment : il fallait une entrevue. Poussés l’un vers l’autre par leurs cardinaux, ils trouvaient chaque jour de nouvelles difficultés. Les routes de terre n’étaient pas sûres ; il leur fallait des sauf-conduits des princes. Les sauf-conduits arrivaient-ils : ils ne s’y fiaient pas. Il leur fallait une escorte, des soldats à eux. D’ailleurs, ils n’avaient pas d’argent pour se mettre en route ; ils en empruntaient à leurs cardinaux. Puis, ils voulaient aller par mer : il leur fallait des vaisseaux. Les vaisseaux prêts, c’était autre chose. On parvint un moment à les approcher un peu l’un de l’autre. Mais il n’y eut pas moyen de leur faire faire le dernier pas. L’un voulait que l’entrevue eût lieu dans un port, au rivage même ; l’autre avait horreur de la mer. C’étaient comme deux animaux d’élément différent, qui ne peuvent se rencontrer[1].

Benoît XIII, l’Aragonais, finit par jeter le masque, et dit qu’il croirait pécher mortellement s’il acceptait la voie de cession[2]. Et peut-être était-il sincère. Céder,

  1. App. 153.
  2. Lorsqu’on lui apprit que la France avait déclaré sa soustraction d’obédience,