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HISTOIRE DE FRANCE

défense de crier havoc (pille !), sous peine d’avoir la tête coupée ; même peine contre celui qui vole un marchand ou vivandier ; obéir au capitaine, loger au logis marqué, sous peine d’être emprisonné et de perdre son cheval, etc.

L’armée anglaise partit d’Harfleur le 8 octobre. Elle traversa le pays de Caux. Tout était hostile. Arques tira sur les Anglais ; mais quand ils eurent fait la menace de brûler tout le voisinage, la ville fournit la seule chose qu’on lui demandait, du pain et du vin. Eu fit une furieuse sortie ; même menace, même concession ; du pain, du vin, rien de plus.

Sortis enfin de la Normandie, les Anglais arrivèrent le 13 à Abbeville, comptant passer la Somme à la Blanche-Tache, au lieu même où Édouard III avait forcé le passage avant la bataille de Créci. Henri V apprit que le gué était gardé. Des bruits terribles circulaient sur la prodigieuse armée que les Français rassemblaient ; le défi chevaleresque du roi d’Angleterre avait provoqué la furie française[1] ; le duc de Lorraine, à lui seul, amenait, disait-on, cinquante mille hommes[2]. Le fait est que, quelque diligence que mit la noblesse, celle surtout du parti d’Orléans, à se rassembler, elle était loin de l’être encore. On crut utile de tromper Henri V, de lui persuader que le

  1. La noblesse était animée par la honte d’avoir laissé prendre Harfleur. Le Religieux exprime ici avec une extrême amertume le sentiment national : « La noblesse, dit-il, en fut moquée, sifflée, chansonnée tout le jour chez les nations étrangères. Avoir sans résistance laissé le royaume perdre son meilleur et son plus utile port, avoir laissé prendre honteusement ceux qui s’étaient si bien défendus ! »
  2. App. 168.