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Page:Michelet - OC, Histoire de France, t. 4.djvu/345

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MORT D’HENRI V ET DE CHARLES VI

lamentations pitoyables des petits enfants qui crioient : « Je meurs de faim ! » On voyoit sur un fumier vingt, trente enfants, garçons et filles, qui mouroient de faim et de froid. Et il n’y avoit pas de cœur si dur, qui, les entendant crier la nuit : « Je meurs de faim ! » n’en eût grand’pitié. Quelques-uns des bons bourgeois achetèrent trois ou quatre maisons dont ils firent hôpitaux pour les pauvres enfants[1]. »

En 1421, même famine et plus dure. Le tueur de chiens était suivi des pauvres, qui, à mesure qu’il tuait, dévoraient tout, « chair et trippes[2] ». La campagne, dépeuplée, se peuplait d’autre sorte : des bandes de loups couraient les champs, grattant, fouillant les cadavres ; ils entraient la nuit dans Paris, comme pour en prendre possession. La ville, chaque jour plus déserte, semblait bientôt être à eux : on dit qu’il n’y avait pas moins de vingt-quatre mille maisons abandonnées[3].

On ne pouvait plus rester à Paris. L’impôt était trop écrasant. Les mendiants (autre impôt) y affluaient de toute part, et à la fin il y avait plus de mendiants que d’autres personnes, on aimait mieux s’en aller, laisser son bien. Les laboureurs de même quittaient leurs champs et jetaient la pioche ; ils se disaient entre eux : « Fuyons aux bois avec les bêtes fauves… adieu les femmes et les enfants… Faisons le pis que nous pourrons. Remettons-nous en la main du Diable[4]. »

  1. Journal du Bourgeois.
  2. Ibid.
  3. App. 225.
  4. Journal du Bourgeois. Nous regrettons de ne pouvoir, faute d’espace,