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HISTOIRE DE FRANCE

rialiste. Ce ne fut plus le Diable, fils du péché, de la volonté corrompue, mais la Mort, la mort fatale, matérielle et sous forme de squelette. Le squelette humain, dans ses formes anguleuses et gauches au premier coup d’œil, rappelle, comme on sait, la vie de mille façons ridicules, mais l’affreux rictus prend en revanche un air ironique… Moins étrange encore par la forme que par la bizarrerie des poses, c’est l’homme et ce n’est pas l’homme. Ou, si c’est lui, il semble, cet horrible baladin, étaler avec un cynisme atroce la nudité suprême qui devait rester vêtue de la terre.

Le spectacle de la danse des morts se joua[1] à Paris en 1424 au cimetière des Innocents. Cette place étroite où pendant tant de siècles l’énorme ville a versé presque tous ses habitants, avait été d’abord tout à la fois un cimetière, une voirie, hantée la nuit des voleurs, le soir des folles filles qui faisaient leur métier sur les tombes. Philippe-Auguste ferma la place de murs, et pour la purifier, la dédia à saint Innocent, un enfant crucifié par les juifs. Au quatorzième siècle, les églises étant déjà bien pleines, la mode vint parmi les bons bourgeois de se faire enterrer au cimetière. On y bâtit une église ; Flamel y contribua, et mit au portail des signes bizarres, inexplicables qui, au dire du peuple, recélaient de grands mystères alchimiques. Flamel aida encore à la construction des charniers qu’on bâtit tout autour. Sous les arcades de ces charniers étaient les principales tombes ; au-dessus régnait

  1. App. 231.