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FOLIE DE CHARLES VI

en Angleterre, protestant hypocritement qu’il ne demandait autre chose que l’héritage de son père. Mais quand même il eût voulu s’en tenir là, il ne l’aurait pu. Tout le monde vint se joindre à lui, comme ils ont fait tant de fois[1], et pour York et pour Warwick, et pour Édouard IV et pour Guillaume. Richard se trouva seul ; tous le quittèrent, même son chien[2]. Le comte de Northumberland l’amusa par des serments, le baisa et le livra. Conduit à son rival sur un vieux cheval étique, abreuvé d’outrages, mais ferme, il accepta avec dignité le jugement de Dieu, il abdiqua[3]. Lancastre fut obligé par les siens de régner, obligé, pour leur sûreté, de leur laisser tuer Richard[4].

Le gendre du roi avait péri, et avec lui l’alliance anglaise et la sécurité de la France. La croisade avait manqué, les Turcs pouvaient avancer. La chrétienté semblait irrémédiablement divisée, le schisme incurable. Ainsi la paix, espérée un instant, s’éloignait de plus en plus. Elle ne pouvait revenir dans les affaires, n’étant pas dans les esprits ; jamais ils ne furent moins pacifiés, plus discordants d’orgueil, de passions violentes et de haines.

On avait beau prier Dieu pour la paix et pour la santé du roi ; ces prières, parmi les injures et les malédictions, ne pouvaient se faire entendre. Tout en s’adressant à Dieu, on essayait aussi du Diable. On

  1. « Leur coustume d’Angleterre est que, quand ils sont au-dessus de la bataille, ils ne tuent riens, et par espécial du peuple, car ils connoissent que chacun quiert leur complaire, parce qu’ils sont les plus forts. » (Comines.)
  2. App. 44.
  3. App. 45.
  4. App. 46.