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Page:Michelet - OC, Histoire de France, t. 5.djvu/133

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PROCÈS ET MORT DE LA PUCELLE

tances, avait dépassé tous les autres par la dureté et la bizarrerie de sa réponse. Il écrivit à l'évêque de Beauvais qu’il la jugeait livrée au démon, « parce qu’elle n’avait pas les deux qualités qu’exige saint Grégoire, la vertu et l’humanité », et que ses assertions étaient tellement hérétiques que quand même elle les révoquerait, il n’en faudrait pas moins la tenir sous bonnegarde.

C’était un spectacle étrange de voir ces théologiens, ces docteurs travailler de toute leur force à ruiner ce qui faisait le fondement de leur doctrine et le principe religieux du moyen âge en général, la croyance aux révélations, à l’intervention des êtres surnaturels... Ils doutaient du moins de celle des anges ; mais leur foi au diable était tout entière.

L’importante question de savoir si les révélations intérieures doivent se taire, se désavouer elles-mêmes, lorsque l’Eglise l’ordonne, cette question débattue au dehors et à grand bruit, ne s’agitait-elle pas en silence dans l’âme de celle qui affirmait et croyait le plus fortement ? Cette bataille de la foi ne se livrait-elle pas au sanctuaire même de la foi, dans ce loyal et simple cœur ?... J’ai quelque raison de le croire.

Tantôt elle déclara se soumettre au pape et demanda à lui être envoyée. Tantôt elle distingua, soutenant qu’en matière de foi elle était soumise au pape, aux prélats, à l’Église, mais que pour ce qu’elle avait fait, elle ne pouvait s’en remettre qu’à Dieu. Tantôt elle ne distingua plus, et, sans explication, s’en remit « à son Roi, au juge du ciel et de la terre ».