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Page:Michelet - OC, Histoire de France, t. 5.djvu/194

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HISTOIRE DE FRANCE

vieillards, devant cette humble et grave figure de l’antiquité.

La crainte de Dieu, le respect de l’usage, ces deux freins des temps féodaux, sont brisés au quinzième siècle. Le seigneur ne réside plus, il ne connaît plus ni ses gens ni leurs coutumes. S’il revient, c’est avec des soldats pour faire de l’argent brusquement ; il retombe par moments sur le pays, comme l’orage et la grêle ; on se cache à son approche ; c’est dans toute la contrée une alarme, un sauve-qui-peut.

Ce seigneur, pour porter le nom seigneurial de son père, n’en est pas plus un seigneur ; c’est ordinairement un rude capitaine, un barbare, à peine un chrétien. Souvent ce sera un chef d’houspilleurs, de tondeurs, d’écorcheurs, comme le bâtard de Bourbon, le bâtard de Vaurus, un Chabannes, un La Hire. Écorcheurs était le vrai nom : ruinant ce qui l’était déjà, enlevant la chemise à celui qu’on avait laissé en chemise ; s’il ne restait que la peau, ils prenaient la peau.

On se tromperait, si l’on croyait que c’étaient seulement les capitaines d’écorcheurs, les bâtards, les seigneurs sans seigneurie, qui se montraient si féroces. Les grands, les princes, avaient pris dans ces guerres hideuses un étrange goût du sang. Que dire quand on voit Jean de Ligny, de la maison de Luxembourg, exercer son neveu, le comte de Saint-Pol, un enfant de quinze ans, à massacrer des gens qui fuyaient[1] ?

  1. Monstrelet.