Aller au contenu

Page:Michelet - OC, Histoire de France, t. 5.djvu/230

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
220
HISTOIRE DE FRANCE

est venu le bon et éloquent Jean de Muller, grand moraliste, grand citoyen, tout occupé de ranimer le sentiment national : dans ce louable but il choisit, il arrange ; s’il ne nie point la barbarie, il la couvre, tant qu’il peut, des fleurs de sa rhétorique. J’en suis fâché ; une telle histoire pouvait se passer d’ornements : âpre, rude, sauvage, elle n’en était pas moins grande. Que penser d’un homme qui se chargerait de parer les Alpes ?

Et il y a en Suisse quelque chose de plus grand que les Alpes, de plus haut que la Iungfrau, de plus majestueux que la majesté sombre du lac cle Lucerne… Entrez dans Lucerne même, pénétrez dans ses noires archives ; ouvrez leurs grilles de fer, leurs portes de fer, leurs coffres de fer, et touchez (mais doucement) ce vieux lambeau de soie tachée… C’est la plus ancienne relique de la liberté en ce monde ; la tache est le sang de Gundoldingen, la soie c’est le drapeau où il s’enveloppa pour mourir à la bataille de Sempach.

Nous reviendrons sur tout cela, lorsque nous aurons à montrer la Suisse en lutte avec Charles-le-Téméraire. Qu’il nous suffise ici de dire qu’en cette histoire il faut distinguer les époques.

Au quatorzième siècle, les Suisses s’affranchirent par trois ou quatre petites batailles d’éternelle mémoire. Ils firent connaître, au même temps que les Anglais, ce que pouvait le fantassin ; toutefois avec cette différence, les Anglais de loin comme archers, les Suisses de près avec la lance ou la hallebarde ; de près, car cette lance, ils la tenaient par le